Comment les entreprises françaises peuvent acquérir des entreprises espagnoles en utilisant une méthode globale, en explorant des solutions innovantes pour atteindre une structuration optimale.
Cet article a été rédigé sur la base de de notre expertise en matière de gestion et de structuration des opérations d’acquisition d’entreprises en Espagne.
Les clefs que nous vous donnons sont très rarement commentées.
Nous sommes convaincus qu’une structuration optimale passe nécessairement par une vision transfrontalière.
Article co-écrit par Pierre Callède, Avocat, Associé Constellation – Jean Michel Nogueroles, Avocat, Abogado (Barcelone) et Solicitor (Angleterre), Associé Lexwell et Emilie Poignon, Avocate et Abogada, Associée Lexwell.
La taille, la croissance et la diversité du marché espagnol en font une destination d’intérêt pour les entreprises françaises.
Importance de l’environnement juridique et fiscalL’environnement de l’Union Européenne est propice au développement des acquisitions et fusions transfrontalières. Attention : un schéma de structuration d’acquisition transfrontalière qui serait pertinent dans un Etat-membre, peut ne pas l’être par ailleurs. C’est pourquoi, il est toujours nécessaire de prendre conseil auprès d’experts en capacité d’apporter une vision transfrontalière. Le choix du véhicule d’investissement
Cette question se pose en amont de l’identification et la prise de contact avec le détenteur du capital de la société cible espagnole et en tout état de cause préalablement à la signature d’un protocole d’acquisition ou « SPA ».
- Ce choix sera le plus souvent à faire entre (a) un véhicule d’investissement français et (b) un véhicule d’investissement à créer en Espagne (filiale dédiée). Il est toujours possible de faire appel à un véhicule d’investissement établi dans un pays tiers.
Quelle est l’origine et de la nature du financement (pays, dette bancaire, tiers investisseurs ou fonds propres etc…). Les éléments de droit fiscal interne
il faut ensuite intégrer d’autres éléments relevant de l’environnement juridique et fiscale de chaque pays concerné, outre les dispositions de la convention fiscale entre la France et l’Espagne [1] . Il existe en Espagne, comme en France, des limitations – comparables mais différentes – affectant la déductibilité fiscale des charges financières :
- (i) L’article 16 de la loi espagnole sur l’impôt sur les sociétés (« LIS ») a, notamment, prévu que les intérêts d’emprunt ne sont déductibles que dans la limite du seuil de 30 % de bénéfices de l’entité qui les supporte (ou alternativement d’un montant de 1 million d’euros si leur montant n’est pas supérieur).
Par dérogation, cette règle ne s’applique pas si la partie du prix de l’acquisition financée par emprunt ne dépasse pas 70 % du prix total.
- (ii) En France, il convient notamment de relever l’application des articles 223 B bis et 212 bis du code général des impôts (« CGI ») qui prévoient que :
- Les entreprises peuvent déduire leurs charges financières dans la limite de 30 % de leur résultat avant impôts, intérêts, dépréciations et amortissements (Ebitda fiscal) ou de 3 millions d’euros par exercice (le cas échéant ramené à 12 mois) lorsque ce montant est supérieur.
- Il est également prévu un mécanisme de limitation additionnelle de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour les entreprises sous-capitalisées (montant total des dettes envers les entreprises liées supérieur à 1,5 fois le montant des capitaux propres). [2]
Les régimes dits mère-filiale
Il existe en Espagne, comme en France, des régimes dits mère-filiale ou de participation – exemption – pouvant affecter les distributions de dividendes ainsi que, le cas échéant, les plus-values de cession des titres de participation qui pourraient être cédés.- (i) Le régime fiscal mère-filial français (articles 145 et 216 du CGI) est comparable à l’espagnol (article 21 de la LIS) en ce que les deux régimes fiscaux retiennent une exonération sous réserve d’une quote-part de frais et charges de 5% – à intégrer dans la base imposable au titre des dividendes reçus par la société mère (seule la durée de détention varie entre les 2 pays de 12 à 24 mois).
- (ii) Le régime d’imposition français (article 219 a quinquies du CGI) relatif aux plus-values sur titres prévoit une exonération sous réserve des conditions susvisées, avec, toutefois, imposition d’une quote-part de frais et charges de 12% du montant brut de la plus-value, alors que le régime d’imposition espagnol (article 21, paragraphe 3, de la LIS) prévoit quant à lui une exonération avec imposition d’une quote-part de frais et charges de 5% du montant de la plus-value.
La nécessaire animation de la nouvelle filiale espagnole
La question de l’animation et de la gestion de la future filiale espagnole au sein du groupe doit dès lors être posée et appréciée avant la détermination de tout schéma de structuration d’une acquisition de société espagnole. Cette question est en effet déterminante quant à l’imposition des dividendes et des plus-values de cession de titres futures.Droit applicable et formalisme relatifs à l’acquisition
Dans le cadre de la rédaction du protocole d’acquisition sous conditions suspensives ou SPA, il est toujours possible de choisir librement le droit applicable régissant le signing. Seule la réitération de la cession ou closing – dont le contenu contractuel pourra être plus limitatif – devra se faire impérativement en la forme authentique, selon le droit espagnol, par-devant un notaire établi en Espagne. Dans le cas où le véhicule d’investissement choisi est une société française (la société mère ou sa filiale dédiée), il sera obligatoire, sur un plan juridique, que cette société obtienne préalablement à la réalisation de l’acquisition :- (I) Un NIF (Numéro d’Identification Fiscal) en Espagne ; [5]
- (II) Un NIE (Numéro d’Identification d’Étranger) pour le Président/gérant de la société mère française (dirigeante de la nouvelle filiale espagnole), afin de pouvoir signer l’acte de constitution devant le notaire espagnol. Il sera recommandable de désigner comme mandataire social (gérant ou administrateur) de la filiale espagnole, la société mère animatrice du groupe, sous peine de se voir refuser le bénéfice des régimes d’exemption prévues par les dispositions européennes en matière de dividendes ou de cession de titres.
Attention, si le NIE est demandé en Espagne pour le compte du dirigeant, il faudra prévoir et anticiper la formalisation d’un pouvoir notarié, apostillé et traduit en espagnol.
Il faut compter environ 2 mois pour obtenir ces identifiants.
Conclusion : Pensez donc à vous poser ces questions au moment de vous lancer de l’autre côté des Pyrénées…
1 Quel est le véhicule d’investissement qui sera choisie pour mener à bien cette acquisition ?
2 A quel type de financement va-t-on faire appel ?
3 Quelles sont les règles applicables (interne/ internationale) quant à la déductibilité fiscale des charges financières ?
4 Quelles sont les règles applicables aux distributions de dividendes ?
5 Quelles sont les règles applicables à l’animation/direction de la future filiale ?